En République démocratique du Congo, les classifications sociales ne recoupent pas systématiquement les frontières culturelles. Certaines dynamiques de pouvoir se perpétuent au sein même de groupes réputés homogènes, remettant en cause l’idée d’une stricte correspondance entre appartenance culturelle et statut social.
Les interactions entre groupes linguistiques, coutumiers et économiques produisent des hiérarchies inattendues, parfois contredites par la mobilité, l’urbanisation ou la migration interne. Cette réalité alimente des débats persistants sur les stéréotypes et les inégalités sociales, invitant à questionner les cadres théoriques habituellement mobilisés dans les recherches sur la société congolaise.
Comprendre la diversité culturelle et les classes sociales en République démocratique du Congo
La diversité culturelle imprègne la vie quotidienne en République démocratique du Congo : ici, les langues se mêlent, les croyances se côtoient, et les racines historiques façonnent l’identité collective. Tout converge vers un paysage social où culture, langage et classes sociales s’entrecroisent à chaque étape. Dès les bancs de l’école, l’histoire, la géographie et l’éducation à la citoyenneté, piliers des sciences sociales, orientent le regard des jeunes Congolais sur leurs origines et celles des autres. Ces disciplines, loin d’être neutres, sélectionnent ce qui mérite d’être étudié et forgent des outils pour penser la société, parfois au prix de schémas rigides.
L’école n’est pas seulement un lieu de transmission de savoirs : elle façonne des visions du monde, aide à se situer dans une communauté, mais elle trace aussi des frontières, parfois invisibles, entre « nous » et « eux ». Ce sont ces catégories mentales, prolongées par les mots du quotidien, qui organisent la société, hiérarchisent les positions et déterminent, parfois sans bruit, qui accède à quoi. Ces dernières années, l’enseignement se veut plus ouvert à la diversité culturelle, cherchant à placer toutes les cultures sur un pied d’égalité, mais souvent sans creuser l’impact des mécanismes économiques et sociaux sous-jacents.
Pour illustrer ce rôle, voici comment les disciplines scolaires participent à cette construction :
- L’histoire éclaire les mutations des sociétés et leur évolution dans le temps.
- La géographie met en relief la répartition des populations, des territoires et des ressources.
- L’éducation à la citoyenneté interroge l’égalité, la participation et la place de chacun dans la vie collective.
Mais la diversité culturelle ne gomme pas la réalité de la stratification sociale. Derrière la richesse des langues ou la variété des croyances, des écarts de statut ou d’accès persistent. Les analyses récentes montrent que l’école, loin d’effacer ces différences, les entretient parfois, voire les légitime derrière un vernis de neutralité. Les enfants, formés à classer et à catégoriser, assimilent très tôt une vision du monde où certaines places semblent aller de soi. Le programme scolaire, les pratiques éducatives, tout concourt à graver ces hiérarchies dans les esprits.
Quels liens entre inégalités sociales et construction des identités culturelles ?
La diversité culturelle est souvent valorisée comme un horizon désirable, alors que les inégalités sociales sont pointées du doigt. Cette tension traverse les discussions sur l’école, s’invite dans les programmes et guide les choix pédagogiques. L’État-nation, à travers le curriculum, continue de mettre en avant une culture dominante, reléguant d’autres vécus aux marges du récit collectif. Les orientations politiques, héritées de figures comme Ernest Lavisse, orientent toujours la sélection des savoirs à transmettre.
En théorie, le curriculum promet une justice épistémique. Mais dans la réalité, la distribution des connaissances reste inégale. Les élèves issus de milieux populaires peinent à maîtriser les codes de la culture scolaire attendue, ce qui creuse l’écart avec leurs pairs. L’école devient alors le théâtre d’une lutte silencieuse : reconnaître la diversité, oui, mais sans vraiment remettre en cause les hiérarchies établies.
Les enseignants se retrouvent en première ligne. Leur formation, qu’elle soit initiale ou continue, pèse lourd dans la balance pour engager des pratiques véritablement inclusives. Transmettre des savoirs ne suffit pas : il faut aussi accueillir les parcours, les langues, les histoires singulières. L’école congolaise se révèle alors un espace à la fois porteur d’équité et de contradictions, où la valorisation de la diversité culturelle ne saurait dissimuler l’existence des rapports de domination.
Quels liens entre stéréotypes et préjugés : comment influencent-ils la perception de l’autre dans la société congolaise ?
Les catégories mentales se construisent très tôt, dès l’école, et déterminent la façon dont chacun perçoit son environnement et les autres. Ce processus, loin d’être anodin, s’inscrit dans une société congolaise marquée par sa pluralité de cultures, de langues et de religions. Au fil du temps, l’altérisation, autrement dit la fabrication de l’autre, s’enracine dans ces héritages. Les stéréotypes prennent forme, se transmettent et finissent par s’imposer dans les interactions de tous les jours.
L’école, en diffusant des normes et des savoirs, contribue à forger ces images. Les élèves, confrontés à une diversité sociale et culturelle, apprennent à naviguer entre inclusion et exclusion. Le langage prolonge cette dynamique : il classe, sépare, rassemble ou maintient à distance. Les tentatives d’inclusion se heurtent souvent à la résistance des préjugés et à la persistance des logiques de groupe.
Le numérique change la donne. L’espace scolaire se transforme, les hiérarchies bougent. Pour certains, il accentue l’exclusion et les inégalités ; pour d’autres, il offre des outils pour contester les frontières et inventer de nouvelles formes d’appartenance. Les enjeux actuels autour de la diversité culturelle se lisent dans ces usages numériques, révélant tout le potentiel, et les limites, d’une société en mouvement, tiraillée entre recherche de justice et reconnaissance de chacun.
Vers une société plus inclusive : pistes de réflexion pour dépasser les clivages
La diversité culturelle ne s’impose pas par décret. Elle s’apprend, se vit, s’expérimente à travers des initiatives concrètes. Depuis les années 1990, l’UNESCO défend une éducation inclusive qui valorise chaque différence et rejette l’uniformisation portée par la culture dominante. Cette orientation, reprise par la Commission européenne, nourrit une lutte continue contre le racisme et les discriminations.
Au cœur de cette dynamique, certains projets ouvrent la voie. Prenons l’exemple d’IDEES diversité inclusive en éducation européenne : il rassemble un large consortium d’universités (université libre de Bruxelles, université de Lorraine, université catholique de l’Ouest) et s’appuie sur les travaux de chercheurs comme Malika Hamidi, Corinne Torrekens, Piero Galloro ou Mohamed Sakho Jimbira. Leurs réflexions questionnent le rôle de l’empowerment et celui de l’intersectionnalité dans la formation des enseignants, la transformation des pratiques pédagogiques et la reconnaissance des identités multiples.
Pour dessiner des pistes et ouvrir de nouvelles perspectives, voici quelques leviers identifiés par la recherche :
- Mettre en place des pédagogies inclusives qui développent la conscience critique et valorisent la diversité des savoirs.
- Favoriser la justice épistémique en intégrant chaque culture dans les contenus scolaires.
- Soutenir la formation continue et initiale des enseignants afin d’assurer une égalité de traitement et de donner à chacun une place reconnue.
L’école, véritable laboratoire de la vie collective, offre un terrain où s’invente l’inclusion, où se tissent, ou se défont, les liens d’une citoyenneté partagée. Et si la diversité, loin d’être une barrière, devenait la force motrice d’une société qui se réinvente, jour après jour ?


